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Voici un second extrait de cette pièce de théâtre chère à mon coeur !

A lire de préférence à la suite du premier extrait...

 

 

 L’action se passe en mai 1928, à Leningrad, dans un appartement communautaire au cinquième étage.

 

Alekseï est assis à la table, porte-plume à la main, il écrit.

Alekseï : Ma Chère Petite Natotchka, j’ai bien reçu ta lettre. J’étais fier d’apprendre que tu avais réussi à vendre deux chapkas alors que les beaux jours arrivent. Mais je ne suis point étonné. L’autre jour, ta patronne, Madame Baum, me vantait encore tes mérites. Néanmoins, fais attention de ne pas être trop compétente, sinon la boutique pourrait être réquisitionnée par les bolcheviks pour activité capitaliste à rendement abusif ! Autrement, j’ai reçu un message du commandement concernant le transfert en Estonie de la réserve de fusils et de munitions... (Daniil rentre en traînant les pieds, Alekseï cache la feuille sous une autre.) Du pain, de la vodka, du blé… de la vodka… Eh bien, Daniil ! Je t’ai déjà connu plus dynamique. La fosse commune était fermée au public ?

Daniil : (s’allongeant sur le canapé) Non.

Alekseï : Dis ce qui ne va pas, ne te fais pas supplier !

Daniil : J’ai passé ma journée à essayer d’écrire et de composer.

Alekseï : Justement, tu devrais être content.

Daniil : Mais non, c’est dramatique ! Il faut que je me rende à l’évidence : je n’ai absolument aucun talent ! Je ne suis qu’un raté ! Incapable d’aligner deux vers de suite sans que mon crayon ne se mette en grève ! Quand je sifflote quelques notes de musique dans la rue, aussitôt les moineaux viennent piailler autour de moi.

Alekseï : C’est peut-être signe qu’ils apprécient tes compositions.

Daniil : Alors qu’ils se contentent de faire cui-cui sans me chier dessus !

Alekseï : Daniil, arrête de geindre ! Tu nous joues cette sérénade chaque mois. Ça devient lassant… surtout que demain, tu iras mieux.

Daniil : Non, pas cette fois-ci... C’est la fin de ma carrière, de ma vie... Je veux mourir, ici, sur ce canapé et rien, ni personne ne m’en empêchera !

Alekseï : Bon. (Reprenant l’écriture de sa lettre) Pour l’instant, les armes sont toujours cachées dans ma chambre. Ne t’inquiète pas, il n’y a aucune chance qu’on les découvre. Il faudrait désosser morceau par morceau le plancher ! Bientôt tout sera fini et nous pourrons à nouveau vivre ensemble. (Dimitri, une fleur dans la bouche et le regard hagard, rentre et reste immobile. Alekseï se met à écrire plus vite) Je t’embrasse fort. Ton Papounou. (Range dans sa poche la lettre, puis observe Dimitri) Daniil, tu ne le trouves pas un peu bizarre ?

Daniil : Fous-moi la paix, j’aimerais me donner la mort en silence.

Alekseï : Tu espères vraiment te tuer en restant couché sans rien faire ?

Daniil : Je pratique ce qu’on appelle le suicide passif.

Alekseï : Connais pas.

Daniil : C’est la technique du pauvre. Quand on n’a pas les moyens d’acheter ni corde, ni pistolet, on s’adapte. Alors évidemment, c’est moins spectaculaire et plus long que les méthodes de riche, mais à terme c’est aussi efficace.

 

Tag(s) : #Théâtre
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