Comme promis en début de semaine, voici un extrait de la nouvelle pièce que je suis en train d'écrire : Pas d'oseille sans Pater Noster.
Et comme -presque- à chaque fois, le premier échantillon n'est autre que le début de la scène 1...
Et comme -presque- à chaque fois, le premier échantillon n'est autre que le début de la scène 1...
L’action se passe dans la pièce principale d’un presbytère, à Paris au début des années soixante. Le décor est sobre et un tantinet vieillot. A jardin, une large fenêtre avec des rideaux, en dessous, un canapé accolé au mur. Un fauteuil lui fait face avec entre les deux une table basse. Fond de scène à jardin, un poste de télévision complète le coin salon. A droite du téléviseur, trône une armoire à deux battants, puis suivent une grande horloge à pendule, une porte donnant sur une chambre (la seconde pièce de la maison) et enfin le coin cuisine qui se situe dans l’angle à cour. Au milieu du plateau légèrement décalé à cour, une petite table en bois et trois chaises. En avant scène à cour, se situe la porte d’entrée de la demeure. Des icônes religieuses, ainsi que divers crucifix, sont accrochés un peu partout dans la pièce.
Scène 1
(Max, Riton, Antoine)
Noir, petite musique de jingle radio.
Puis, durant la voix off, lumière progressive. A jardin, Max, borsalino sur la tête, le visage voilé par un mouchoir façon « cow-boy » et muni d’un pistolet, entre par la fenêtre. Il prend appui sur le canapé avant de mettre les pieds au sol. Pendant que Max inspecte les lieux (il vérifie qu’il n’y a personne dans la chambre et que la porte d’entrée est bien fermée), Antoine passe à son tour par la fenêtre, suivi de Riton qui le tient en joue avec son arme. Ce dernier a aussi le visage voilé et porte une casquette en tweed.
Voix off radio : Edition spéciale. Nous apprenons à l’instant le cambriolage de la fameuse bijouterie Van Broecke, située place Vendôme. Vers 15h30, deux malfrats camouflés ont fait irruption dans le magasin. Sous la menace de leur revolver, ils ont contraint les employés à ouvrir les coffres remplis de bijoux en or et diamants. La somme du vol est estimée à 10 millions de francs. Afin de couvrir leur fuite, un client, dont l’identité nous est encore inconnue, a été pris en otage. Puis les deux bandits accompagnés de leur victime se sont échappés par l’arrière-boutique, et ont probablement rejoint leur voiture garée dans une petite rue plus loin. Cette technique de braquage n’est pas sans rappeler, celle utilisée le mois dernier au « Félix Potin » de Vouziers, une attaque orchestrée par Max la gouaille et Riton la gâchette. Si le butin s’était avéré maigre - une botte de radis et deux bières -, cette fois, nos brigands ont réussi le « casse du siècle » !... C’était René Palaveau pour Radio Luxembourg.
Petit musique de jingle radio.
Max : C’est bon, la voie est libre. (Max et Riton se découvrent le visage) Riton tire les rideaux (il s’exécute immédiatement). On va se planquer ici, le temps que le quartier retrouve son calme.
Riton : Ça peut durer une paire.
Max : Peu importe, on n’est pas pressé... Ça serait tout de même cruchon de se faire coincer, maintenant, par les condés !
Riton : C’est sûr… (voyant les nombreux objets religieux) Peut-être qu’on est chez des culs-bénits…
Max : (se moquant) Peut-être que tu deviens perspicace. (face à une croix accrochée au mur, il range son pistolet, se découvre et se signe) Riton, tu te signes.
Riton : (se découvre et se signe) De suite, Patron.
Max : (à Antoine) Toi aussi, tu te signes.
Antoine : Vous savez, je ne suis pas particulièrement croyant… (Max dégaine brusquement son arme) Mais bon, en période de Carême, on l’est tous un peu…
Antoine se signe.
Max : Sache mon garçon, que lorsqu’on me contrarie, j’ai tendance à bégayer de la pétoire ! Alors un conseil, tu poses ton dargeot sur le canapé et t’évites de me turlupiner.
Antoine : (un peu ironique) Euh... Sans vouloir paraître hautain et encore moins discourtois, serait-il envisageable, très cher ravisseur, d’avoir la délicatesse à mon égard de vous adresser en des termes plus éloquents?
Un temps. Max et Riton se regardent étonnés.
Riton : Comment qu’il cause bizarre lui…
Antoine : (toujours un poil ironique) Absolument pas, ma verve est des plus coutumières, au grand désarroi de ma pauvre mère. D’ailleurs souvent elle me dit : « Antoine, votre verbiage est d’un conventionnel que ça en devient ubuesque ! » (se met à rire seul, s’en rend compte)... Inutile de prendre cet air recueilli, ce n’était qu’une facétie.
Riton : (à Max d’un ton suspicieux) M’en doutais, il baragouine étranger !
Max : C’est ça… Je crois plutôt qu’il nous prend pour des branques ! Alors, écoute-moi bien le dictionnaire, en version vox populi, ça se traduit par : Toi pas bouger, toi rester amorphe comme une moule sur son rocher et surtout toi mettre ton clapet en quarantaine, (mimant le geste avec son revolver) sinon « poum-poum ». Compris ?
Antoine : Bien… Moi, compris…